Dis maîtresse, apprends-moi la famille ?

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Je dédie ce texte à toutes les personnes qui se retrouvent dans la case « famille homo-parentale » ainsi qu’à toutes les personnes qui ont besoin de les y mettre.

Après le parcours du combattant de la conception, vient celui de l’éducation.
Je ne vais pas m’attarder sur l’éducation de tes enfants car c’est très personnel et elle coule de source. Je vais plutôt faire un crochet et m’attarder sur celle des AUTRES.
Les autres au sens large du terme. L’entourage à qui jusqu’à présent tu n’avais pas vraiment pensé raconter ta vie. Comme ta boulangère, la dame au passage piéton, le monsieur de la poste, le garagiste du coin ou la MAÎTRESSE.

Tu savais que tu étais différent de la majorité de la populace, et tu avais appris à vivre avec. Tu t’étais construit tout un tas de repères, de sujets à éviter avec certain(e)s, de lieux que tu pouvais préférer en tenant la main de ton ami(e) ou sans tenir la main de celle-ci (ou de celui-ci).

Finalement ta vie coulait un peu comme un long fleuve tranquille. Avec ses joies, ses peines, ses espoirs. Mais voilà, Étienne Chatillez te l’avais dit en 1988, la vie n’est pas ce fleuve, et même si tu t’étais appelée Groseille il en aurait été ainsi.

Tu voulais être maman, ou papa, ou maman-papa ou papa-maman, peu importe le terme, tu voulais un gosse, peut-être même plusieurs. Et puis voilà… Maintenant tu l’as. Bienvenue dans ta nouvelle vie !

À partir de là, deux options, dont une totalement inadmissible, uniquement pratiquée par les familles hétéro-parentales dans un temps très ancien, comme jusqu’en 2014 et certainement 2015. J’ai nommé, le mensonge.
Tu veux que ton gamin grandisse dans un monde meilleur plus « open-minded », plus inclusif, et pour cela que tu le veuilles ou non, il va falloir que tu éduques ton prochain.

Car, l’ami(e) gay, lesbienne que tu es, tu vas maintenant faire ton coming out. Pas à ta famille, non, aux AUTRES. TOUS LES AUTRES. Bonjour je m’appelle machin(e) et je suis gay, enchanté.
Ah oui, je sais ça fait bizarre au début et même après je te rassure.
Si jamais des hétéros nous lisent, imaginez-vous en train de vous justifier sur votre orientation sexuelle à tout bout de champ. Bonjour, moi c’est Robert, je suis hétéro. C’est un peu « weird » comme dirait Ellen Page, non ?

Ceci étant, revenons à l’éducation. L’autre matin, j’avais pour mission de parler à la maîtresse de mon fils au sujet d’une feuille de communication avec la famille. Celle-ci commence ainsi :
« Maman, Papa,
Je …. »

Bon, que dire si ce n’est ouch !
Étant donné qu’elle a choisi un mode de communication où elle fait parler l’enfant à ses parents, commencer de façon autoritaire par « maman, papa » est quand même un peu risqué.
Que dire du père ou de la mère célibataire ? De ceux élevés par leur grands-parents ? Ou imaginez le parent qui se retrouve seul après le décès du conjoint, c’est bof comme intro pour une feuille de communication avec la famille.
Avec la maîtresse, j’avais déjà fait notre coming out dans tous les sens. Et du coup, cette histoire de feuille me semblait presque un détail, tellement évident qu’entre deux portes, sans vraiment prendre garde, je lui demande comme ça :
« Je ne veux pas vous ennuyer mais pourriez-vous changer le Maman, Papa en autre chose comme Maman, Maman par exemple sur notre feuille pour la famille. Ça nous éviterait de barrer »

Là, contre toute attente, je la vois faire une tête bizarre et elle me répond, sans sourciller :
« Je peux vous demander pourquoi ça vous dérange ? »
À ce moment-là, je me suis mordu les doigts d’avoir joué le rôle de la fille super open, à fond communication, vous pouvez tout nous demander, nous y répondrons.
Ce à quoi elle ajoute : « non parce que c’est quand même une réalité que la norme c’est « papa, maman » donc il ne faut pas le nier. Ce n’est pas bien pour l’enfant. »

Ah oui, là, effectivement on ne vit pas dans le même monde. En fait cette gentille maitresse avait peur qu’on ne se soit pas rendu compte qu’il y avait plein d’hétéros-parents autour de nous.
Face à cette marque d’attention particulière, je suis partie dans une explication bafouillante « Certes, vous avez raison, mais ne pouvons-nous pas essayer d’être plus inclusif vis à vis des autres familles ? Écrire mamans, ou papas, pour ceux qui sont concernés, ça pourrait être une marque d’attention non ? Avoir des marques d’attention pour les familles différentes de la majorité, ce n’est pas nier la majorité. Je pense qu’on n’a pas trop à se soucier sur le fait que mon fils se rende compte ou non que la majorité des enfants ont un papa et une maman. Je vous assure qu’il s’en est rendu compte, ça ne lui a pas échappé… »

Et puis la cloche a sonné.

Quelques jours plus tard, le classeur de travail est revenu à la maison avec sa feuille de communication à la famille.
Une surprise de taille nous attendait : « Papa Maman » avait effectivement été remplacé. À la place, il n’y avait plus rien. Un blanc, un grand rien, seulement du vide.
Manifestement, il va falloir que je m’exerce question communication éducative. À ma décharge, vous admettrez que certaines personnes sont quand même parfois un peu retors.

MISE A JOUR – 21 novembre 2014
Quelques semaines plus tard, le classeur reparti à l’école est revenu à la maison. Voyez vous-même :
maman-maman-homoparents
Comme le dit si bien Hélène dans « Lesbienne et Alors ? », il ne faut jamais laisser tomber. Persévérance, psychologie, communication, écoute, éducation. MERCI MAITRESSE !
J’ai croisé ce matin l’assistante du directeur de l’école. Celle-ci m’a dit que notre démarche avait fait réfléchir à tous les niveaux et qu’elle était en train de se « casser la tête » sur des étiquettes pour inclure TOUTES LES FAMILLES. Dis l’école, parlons de la famille ?

3 COMMENTAIRES

    • En fait, tu sens qu’il ne faut jamais relacher l’attention. Tu te croyais dans un univers à peu prêt sûr, et finallement non. On va continuer à user de notre bon sens pour éduquer la maitresse, de toute façon, l’école ne peut plus ignorer et on n’a pas le droit de lâcher, n’est-ce pas ?

  1. Et ben… Que le chemin semble bien long à parcourir. Encore et encore. Ca ne m’étonne pas. (Le post date d’un an, mais je pense que c’est toujours d’actualité).

    La société doit prendre ses nouvelles marques, avec notre aide et surtout notre persévérence.
    Toutefois il serait bon que les « manif pour tous » y mettent du leur et cessent de jouer la carte de l’hypocrisie. La réalité, c’est la famille dans toute sa diversité. Pensez au moins aux enfants, s’il vous plaît !

    J’espère que mon épouse et moi n’auront pas à trop lutter quand notre fils ira à l’école. Continuons d’y mettre les formes…. fatiguant, je vous l’accorde. Courage, pour nos enfants chéris 🙂 et pour que les mentalités évoluent.

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