Béatrice Eli – Die Another Day

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Des artistes ayant émergé de la nouvelle scène musicale suédoise, et plus généralement scandinave, Béatrice Eli est certainement la plus intéressante, par son aspect un peu revêche, mais surtout, et c’est le principal par la qualité de la musique produite, musique ici présentée sous la forme d’une première galette pop rock émaillée de tubes qui ne laissera sans doute personne indifférent.

La scène suédoise portée en ce moment par la production de Robyn, qui marraine Zhala, est revigorante parce qu’elle repose sur les bases d’une pop héritée des 90’s, période à laquelle émergea justement la musique de Robyn qui triompha en 1997 avec son tube Show me love. Cette année, celle-ci a produit Zhala, une jeune femme prometteuse. La scène actuelle c’est aussi Ji Nilsson en duo avec Marlène ou en solo, Kate Boy, Rebecca & Fiona, Tove Lo.

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En écoutant ce Die Another Day (clin d’oeil in/volontaire au film de la série des James Bond ou s’agit-il juste d’un titre qui lui plaisait bien ?) ce riff de guitare électrique obsédant, ce synthé un peu vintage qui rappelle Enola Gay mais aussi Love will tear us apart, la première chose qui frappe c’est sa modernité, son urgence et son énergie. La voix de Beatrice Eli, un peu rocailleuse sans être proche de celle de Kim Carnes, marie avec une certaine maestria la douceur angélique et du punch à l’ouvrage.

Le punch est présent dès le morceau d’ouverture Moment of clarity, porté par son clip, sa caméra collant aux basques (et au cou) -idée empruntée originellement au film Seconds de John Frankenheimer- de deux jeunes femmes qui s’embrassent, se caressent, se désirent.

Beatrice Eli nous dit dans les paroles, sans ambages qu’elle « mouille pour elle ». Ce sera une constante sur ce disque : celui de révéler le désir féminin, et disons-le, l’homosexualité féminine. Cette thématique est très présente dans la vie et dans l’œuvre (ici premier essai) d’une artiste qui se révèle aux yeux et aux oreilles des autres, en particulier les femmes.


Moment of Clarity

Après ce Moment of Clarity punchy, single idéal, pop mélodique et accrocheuse, dans lequel l’artiste évoque son attachement à l’empathie (« I want to know how you feel »), l’album se laisse porter entre l’univers de Lady Gaga, celui d’Alica Keys ou encore Gwen Stefani qui avait sorti il y a dix ans, un excellent premier disque lui aussi couvert de cette dynamique pop sucrée. L’univers de Beatrice Eli semble un peu plus torturé, un peu moins frétillant. Il se base sur le quotidien, le couple, la vie à deux, les excès, et même la thématique de la masturbation avec le titre Party in my pants (sans doute son titre le plus proche de Sky Ferreira)

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Les titres se suivent et ne se ressemblent pas, et le disque a la qualité de ne pas produire l’effet de remplissage ou de dévoiler trop tôt des singles qui lui donnerait ce sentiment d’écouter un album dont émergent seulement trois ou quatre titres. La régularité de la qualité est constante avec des pics de créativité et d’enthousiasme à l’écoute.

Le morceau qui donne son titre à l’album, Die Another Day est excellent par exemple. Il pourrait parfaitement être son nouveau single avec son refrain entêtant. Mais celui qui fit le plus parler de lui, au moment de sa sortie, et surtout aujourd’hui, est Girls. Girls parle de filles, de cette femme qui voit des filles partout, qui les désire profondément.

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On y retrouve la thématique de la fascination (d’une fille pour d’autres filles), avec une référence au sexe avec les femmes (« I see pictures in my head of my head between her legs »), aux souvenirs liés à l’enfance (« Thinking of my teacher, yeah my sixth grade teacher with the long dark hair, it always works getting me aroused ») s’adressant même aux hommes en disant que ce n’est pas son truc, et qu’elle espère que les hommes ne le prennent pas mal. La figure fantasmatique revient aussi ; des pulsions, une attraction qu’elle ne peut réfréner, et d »ailleurs pourquoi le ferait-elle ? En un titre, magistralement composé et interprété, Beatrice Eli nous fait son coming out musical et personnel. Pas si simple de le faire, et elle y réussit avec humour. Le clip bien sûr a beaucoup fait pour sa promotion. On la voit, allongée, entourée de filles, ces filles qu’elle aime tant.


Girls

Beatrice Eli se fend aussi d’une petite pique ironique à l’égard de l’égalité dans le titre éponyme Equality (« I don’t care about equality »). Elle est capable aussi de s’approcher de l’univers d’Alicia Keys (passée des compos au piano sur des rythmes r’n’b à la production hollywoodienne pour les BOF) avec les titres I’ll be fine et Last Time. Là encore c’est l’alchimie parfaite entre la rythmique et l’interprétation qui fait mouche.

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Le refrain lancinant de Trust Issues porté par un synthé enveloppant est surprenant. Beatrice Eli met également à l’honneur son titre Violent Silence, un excellent single sorti sur son premier EP aux notes de piano sombres. La petite cerise sur le gâteau étant apportée par le titre qui referme ce premier opus, I love you et son refrain génial.
Die Another Day est-il un disque pour les filles qui aiment les filles ? Sans aucun doute. C’est aussi un disque pour les garçons qui aiment les garçons, et les garçons qui aiment les filles et les garçons. Die Another day est un album qui parle de sexe, d’amour, d’amour entre filles.

Beatrice Eli signe donc un excellent premier album qui laisse supposer le meilleur. Reste à savoir quelle sera la tonalité de son prochain album et quelle sera son orientation musicale après ce prodigieux premier essai qui a tout du coup de maître, mais ne brûlons pas les étapes, et laissons-nous déjà nous imbiber de son univers si singulier.

Jordan White
http://popkotidien.unblog.fr/
@Popkotidien

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