5 ans, c’est mon genre

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Les enfants et le genre

Lorsque que j’ai rencontré Agathe, il y eu tout de suite comme un fil invisible qui s’est tendu, sans qu’on y fasse rien, sans qu’on ne veule rien, un fil visible seulement de nous seules, peut-être, comme un signe de reconnaissance. Agathe avait 5 ans, j’en avais 40. Alors que toutes les petites filles que j’avais croisées jusque ici, chantaient à tue-tête, comme de petits automates, la chanson de la Reine des Neiges de Walt Disney, en se drapant de robes de princesse. Ou plus ridicule encore, portaient des soutien-gorge à leur maillots de bain pour déjà être une  « femme », Agathe menait son propre chemin.

Agathe était Agathe. Elle n’aimait pas les trucs de filles et pas pour autant à l’extrême opposé les trucs de garçons.

Elle était sur la plage et jouait avec un copain de son âge. Elle portait un caleçon de bain et malgré ses cheveux mi- longs bouclés, on aurait dit un garçon. C’est toujours troublant le moment où persuadé d’un sexe, la personne répond à cette question : « Comment t’appelles-tu ? » « Agathe » Vous n’êtes pas sûr d’avoir bien entendu, vous faites répéter, le doute persiste, puis vous admettez que vous vous êtes trompé. Vous vous trouvez bête. Bête d’avoir été autant aveuglé par des stéréotypes vestimentaires.
« C’est une fille, vraiment ? »

Et le fil s’est tissé entre nous. Invisible.
J’étais moi-même tellement comme elle étant enfant.

On disait « garçon manqué ».

Heureusement que les enfants ne mesurent pas tout le sens des mots et que j’ai toujours pris ça comme une expression plutôt flatteuse que comme ce que ça veut dire réellement, c’est à dire quelque chose de raté, de manqué. Les mots et les pensées des adultes sont parfois bien plus durs et impitoyables que celles des gosses. Il n’existe d’ailleurs pas l’expression inverse « fille manquée ». Est-ce parce que les garçons sont toujours réussis ? Est-ce parce que les garçons ne peuvent vouloir ressembler à des filles ou préférer l’univers que l’on construit pour les filles ? C’est vrai, qui aurait envie de faire le ménage, la lessive, torcher les gamins alors que l’on peut jouer à l’aventure ou au foot à longueur de journée ?

Et pourtant, il y avait Tom. Le petit Tom avait 4 ans et il adorait passer le balai. Etait-ce parce qu’il voyait son professeur d’école le faire tous les jours en fin de journée, pendant l’heure de garderie, qu’il s’en sentait autorisé et avait même jusqu’à l’envie de l’imiter ?

Et puis il y avait Benoit, ce petit de 4 ans aussi qui affirmait qu’il n’était pas un garçon. Il en était tellement sûr qu’il n’y avait rien à discuter. Benoit aimait la danse. La danse c’était pour les filles. Il avait donc résolu le problème qui semblait s’imposer à lui. Il était une fille. Il pouvait donc faire de la danse, s’habiller en princesse et chanter la Reine des Neiges avec ses copines sans ce que cela ne dérange qui que ce soit. Il était une fille.

C’est l’école qui aidait les parents à accepter leur fils tel qu’il se sentait être, tel qu’il voulait être et tel qu’il voulait se construire.

Quand à Adam, qui aime l’ordre et l’autorité, il préfère vérifier avant de s’avancer que les choses sont bien pour lui.

Lego Friends fille ou garçon ?
Lego Friends, pour filles et garçons ?

Ainsi il s’autorise à aimer les petites voitures, à s’identifier à Diego et non Dora – même si Dora est carrément super géniale. Et puis, le nez contre la vitre, il regarde rêveur les LEGO violet de la collection Friends, destinés aux filles. Alors lorsqu’il eu pour Noël la boite avec le petit chat qu’il faut sauver sur le pont cassé, il a vraiment cru que le Père Noël avait lu dans ses pensées. Et les yeux étincelants, il a enfin pu construire des LEGO rose et violet.

Ces enfants ont une chance énorme de pouvoir vivre et grandir tel qu’ils sont, entourés d’adultes ouverts d’esprits, tournés vers les autres. Des adultes là pour les aider et non pour les juger.

Agathe et Benoit n’auront peut-être pas besoin d’aller jusqu’à changer radicalement d’identité de genre pour être bien dans leur corps. Ou peut-être en auront-ils besoin, et alors ? Pourquoi ne le pourraient-ils pas ?

Quand à Tom, il trouvera sûrement normal d’aider au ménage ou à tenir une maison. Peut-être arrêtera-t-il de travailler un moment pour élever ses enfants. Sans complexe, sans se sentir diminué dans son être, ni attaqué dans sa masculinité.

J’ai croisé plusieurs hommes qui ont eu cette démarche et qui s’épanouissent grandement en élevant leurs enfants alors que leur épouse ramène l’argent à la maison. Et pourquoi devraient-ils le vivre mal ? Pourquoi n’auraient-il pas droit de jouer aux LEGO violet et à la poupée ?

Il y a quelques années dans un coin des Etats-Unis, une bande de jeunes garçons avaient frappé violemment puis jeté par dessus un pont un jeune de leur âge qui avait une démarche féminine. Lors d’une interview à ce sujet, Judith Butler initiatrice des études sur le genre, posait la question suivante :

« Qu’est-ce qui pousse une bande de garçons à tuer un garçon qui a une démarche féminine ?

Qu’est-ce qui fait peur au point de vouloir le faire disparaître, de vouloir annuler cette personne ? »

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1 commentaire

  1. Petite, je jouais aux petites voitures, aux LEGO et à la guerre avec mon petit frère. J’avais les cheveux court et ne m’habillait que de basket, mon petit frère, lui, possédait de très longues boucles blondes.
    De caractère doux et timide il pouvait subir des brimades à l’école, j’allais me battre dans la cour pour le protéger.
    Mon père m’a appris plus tard à jouer au foot, au jeu vidéo, mais aussi le dessin et la couture. Aujourd’hui, je suis une fille qui porte de sublimes talons, et de long cheveux jusqu’à la taille quand à mon frère c’est devenu une montagne de muscles. Nos jeux ne déterminent pas notre genre, ni notre orientation sexuelle, mais seulement notre personnalité et comment une personnalité pourrait-elle se développer si on nous impose des stéréotypes ? Forcer les filles à être des filles, et les garçons à être des garçons est ridicule. Laissez simplement les enfants être des enfants.

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