1, 2, 3, Yâsamîn

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Je ne sais plus comment c’est arrivé dans la conversation, comment cela s’est imposé à nous. Un message, je crois, un de ces soirs qui n’en finit pas : « Tu n’as qu’à nous re-joindre ! ». Le ton de la plaisanterie, et puis l’idée a fait son chemin. Yâsamîn venait de mettre un terme à une histoire compliquée de plusieurs mois, sa première romance, de celle qui laisse un goût amer au fond de la gorge et des souvenirs éborgnés. Elle était perdue et passait ses soirées à se perdre plus encore au fond des verres d’alcool qu’elle enchaînait comme on enchaîne les mauvaises décisions. Elle nous avait dit « Je ne suis pas sûre d’aimer ça, vous comprenez ? Elle m’a à peine touchée, je sais pas si c’est moi, j’ai peut être mal fait quelque chose, non ? J’avais jamais fait ça avec une fille avant. ». Onyx lui avait répondu en souriant « Tu n’as qu’à nous rejoindre, on t’apprendra 😉 ». On aurait pu en rester là. Si on ne l’avait pas croisée en boite hier soir, on en serait sûrement resté là. Elle est partie sans un bruit et sans un regret ce matin. Dans les limbes du réveil, je me repasse le film de la nuit.

Yâsamîn est assise au bar, la tête dans ses mains, le regard perdu vers la piste de danse grouillant de corps en sueur. Je ne décèle dans ses yeux qu’un vague regret que le brouillard alcoolisé tend à faire oublier rapidement. « 4h du matin ! » annonce la barmaid qui allume l’ampoule rouge du couloir des vestiaires. Yâsamîn n’est pas en état de conduire, c’est certain. Décision est prise sans même être énoncée à voix haute : on rentre et elle dormira à la maison. Peut-être que l’air frais du trajet lui redonnera quelques forces pour nous raconter sa soirée.
Dans la voiture aux fenêtres ouvertes sur la nuit froide, le récit de la soirée est sommaire, comme haché par les tentatives désespérées de la mémoire pour lever le voile éthylique qui déjà s’est posé sur les heures précédentes. Elle a dragué une fille, une jolie blonde pas très farouche. Elle a dansé avec elle, elle l’a embrassée, elle croit, elle cherche, le front plissé par l’effort, le souvenir du goût de ses lèvres. Dans chacune de ses phrases on entend la satisfaction presque soulagée de savoir que le corps d’une femme lui plait, patinée d’une sorte de déception avec le recul. Etait-ce vraiment ce qu’elle en attendait ? Pourquoi la blonde est-elle partie ?

Arrivée à l’appartement, les manteaux et sacs posés, le récit se poursuit à trois voix sur le canapé déplié pour en faire un couchage correct. Yâsamîn me fait l’effet d’une personne perdue dans une gare immense, les yeux levés au ciel pour tenter de se repérer. Je connais ce sentiment. Cette incertitude. Ces questions qui résonnent dans le crâne. J’ai vraiment aimé ça ? Et par rapport à mes précédentes expériences, aux hommes sans visage dans mon lit ?
Je la regarde, et je la plains, et je l’envie en même temps. Période extraordinaire de découvertes, c’est comme arpenter pour la première fois une maison immense dont on se sait propriétaire, enfin. Un champ de possibles infinis. Je la regarde et je la trouve magnifique. Un coup d’œil à Onyx et je vois que ma femme pense la même chose. Nous ne ferons rien cependant, c’est la règle tacite entre nous, ce n’est pas à nous de faire le premier pas. Yâsamîn parle, parle et déverse dans la pièce ses interrogations et ses détails, auto analyse sans fin qui demain ne laissera aucune bonne résolution. Elle parle et se rapproche de moi.

Quand sa main remonte la mèche qui me mange le visage, je ne peux attendre d’avantage. Mes lèvres rencontrant les siennes pour la première fois, pour faire taire ses inquiétudes, pour qu’elle soit enfin sûre d’être au bon endroit. Tandis que je l’embrasse à perdre souffle, je remonte et retire son t shirt noir qui s’échoue sur une chaise plus loin. Onyx dégrafe en un instant son soutien-gorge et commence à lui mordiller doucement la nuque, une main sur ses seins. Ma robe est par terre, et le pantalon de Yâsamîn vient l’y rejoindre. Je l’allonge en travers du canapé ouvert et descend sur elle, choyant sa peau de mes lèvres fébriles et gourmandes. Tandis qu’Onyx s’éclipse un moment, je finis de la déshabiller en descendant contre son ventre. Je n’ai pas envie de la faire languir, je veux qu’elle s’abandonne, qu’elle oublie la blonde et celle d’avant, qu’elle fasse taire la voix inquiète dans sa tête. Ma langue tourne autour de son clitoris tandis que mes doigts effleurent ses petites lèvres, comme s’ils hésitaient. Quelques dizaines de secondes de cette délicieuse torture suffirent… je glisse sans peine deux doigts en elle, les replie pour la caresser, course preste et ample vers un plaisir rapide, rassurant comme une main sur l’épaule. J’aspire son clitoris, l’agace, le presse entre mes lèvres. Rythme accéléré, saccadé, je me joue de son plaisir, et elle se pâme. Onyx glisse sa main dans mes cheveux pour me maintenir contre elle. Ma femme s’allonge à mes côtés et je sens sa peau contre la mienne, et je sens qu’elle n’est pas tout à fait nue. Je sais ce qu’elle veut. Laissant Yâsamîn tremblante et trempée, je lui cède ma place. Entre les cuisses de notre invitée, elle parait fuselée, animale, aiguisée comme une lame. Le cul moulé dans son boxer-harnais rouge, elle guide le gode de sa main droite et entre en elle, lente et ample, assurée. Je les mate à me rendre folle. Je ne peux m’empêcher de sourire. Et de penser « voilà, voilà une partie ce que tu as manqué jusqu’à présent… » Suivant les lents coups de rein, Yâsamîn halète, feule et se disloque.

De son bras gauche, Onyx fait basculer le bassin de Yâsamîn qui se retrouve désormais couchée sur le flanc, tribadisme réinventé par de longs va et vient. Allongée à côté d’elles, mon regard s’accroche au vit de silicone qui glisse entre ses nymphes et disparait, de plus en plus profondément. Les seins blancs de Yâsamîn pointent vers moi et appellent ma langue. Je les pince entre mes doigts. Sous la décharge, Yâsamîn ouvrit les yeux. Son regard avait changé. Assuré. Avide. Il arrêta mon geste. De ses bras elle me somma de remonter, remonter encore contre elle. Elle s’attarda sur mes seins tendus vers elle et vite, presque brutalement, me fit remonter encore jusqu’à installer sa tête contre ma cuisse. Je me rapprochai et la guidai de ma main dans ses cheveux. Elle n’hésita pas une seconde et je sentis sa langue contre mes nymphes. Onyx accéléra, agrippant ses hanches, soutenant son bassin pour se précipiter au plus profond d’elle. Voyeurisme assumé, je sens ses yeux noirs se poser sur notre invitée aspirant à la source le fruit de mon excitation. Le jeu gagne en succulence. Ses gémissements vibrent contre moi. Ample coup de rein. Coup de grâce.
Yâsamîn se laisse glisser sur le canapé, le souffle court, les muscles ne sachant plus que faire, myosine devenue folle dans un corps vidé. Trou noir. Silence presque palpable de nos trois corps étendus comme s’ils avaient été jetés au hasard.
Avant de fermer les yeux, je la regarde. Elle a ce sourire au visage, ce sourire délicat, invisible à celui qui ne sait pas regarder, ce sourire serein qui vient quand on est exactement là où on est censé être.

Mais comment pourrait-elle encore en douter.

CathyPeylan-123

Texte Trinity, Photo Cathy Peylan

2 COMMENTAIRES

  1. Y’a un truc qui me dérange : la nana à l’air bien ivre dans cette histoire et pas franchement lucide. Une relation sexuelle avec une personne dans cet état, c’est plus que moyen … (c’est peut-être pas ce qui est voulu mais rien n’indique qu’elle a vraiment conscience de ce qu’elle fait et de ce qui se passe alors qu’elle a l’air complètement dans le flou au début).

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