Música de Barcelona

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Paysages-Intimes-Cathy-Peylan
@Cathy Peylan

Le soleil inondait depuis quelques dizaines de minutes toute la Travessera de les Corts et la chambre de notre hôtel. Par la fenêtre, Barcelone brillait déjà dans la chaleur naissante de ce 21 juin. À mes côtés, sur le lit aux draps défaits, Lou dormait encore. Son souffle régulier soulevait sa poitrine menue sous le drap blanc. Même en plein hiver, elle dormait nue, alors ici, la touffeur de l’air espagnol et la climatisation défaillante étaient les alliées de mon admiration. Plus encore aujourd’hui que tous les jours précédents, la vision de sa peau blanche et douce, de ses seins déjà éveillés sous ma paume et de son ventre aux courbes délicates réveillait dans le creux de mes reins une chaleur presque liquide. Notre rendez-vous était dans 4h. Nous avions encore tout notre temps.

Avec une lenteur infinie, je tirais le drap immaculé pour la découvrir, et comme chaque fois depuis 3 ans, j’accusais le choc. Ma femme était incroyablement, miraculeusement belle. Du bout du doigt, je suivis les courbes multiples et délicates de sa hanche, remontais vers son sein déjà dressé par l’air frais. Griffure imperceptible de l’ongle, caresse à peine esquissée de la pulpe de l’index, je me jouais de la chair de poule qui la gagnait peu à peu. À chaque sursaut de sa respiration, à chaque tressautement, je m’arrêtais, par crainte d’un réveil précoce qui m’aurait privé de cette découverte sans cesse renouvelée. Ce corps nu devant moi, mille fois parcouru et toujours renouvelé, sauvage. Je la regardais plus intensément que je n’avais jamais regardé quoi que ce soit d’autre, autant parce que cette vision m’emplissait d’une émotion sans égale, que parce que j’espérais que ce fut la dernière fois que je la voie ainsi.

Je ne savais pas lui dire tout ça, cet amour indicible, ces envies d’après, de plus, d’encore… Quand les mots faisaient défaut, mes mains savaient quoi dire, ces mêmes mains qui maintenant la visitaient, la lissaient, la lisaient comme du braille, et imprimaient sur sa peau tout ce que je n’arrivais pas à formuler.

Cette caresse le long de sa cuisse ouverte, c’était pour dire que je l’aimais, pas comme on dit je t’aime sans y penser, non, c’était pour dire que j’étais folle d’amour pour elle, comme on tombe accro, profondément, éperdument…

Mes ongles qui délicatement dessinaient des volutes sur son ventre, c’étaient pour crier mes envies d’elle, cette boule incandescente dans mon ventre qui surgissait sans crier gare, n’importe quand, et parfois même quand elle n’était pas là et que tout mon corps l’appelait.

Ma joue qui se posait sur sa hanche, c’était pour y écrire mes espoirs de voir ce ventre s’arrondir de notre amour, d’une nouvelle vie créée de nous deux, débordante, éclatante.

Je me glissais entre ses jambes entrouvertes. Je savais qu’elle était encore dans les limbes, dans cette dimension parallèle entre veille et sommeil, là où tout parait possible et où l’espace est infini. Doucement, je posai la pointe de ma langue sur sa fente close et la dessinai. J’ouvrai les nymphes délicates, les accueillant de mes lèvres, succion brûlante et avide. Je jouais de ma langue, de mes joues, de mes lèvres, de tout mon visage. Je me donnais à cette femme comme si je ne savais rien faire d’autre, et en un sens c’était vrai. Elle frémit, luttant contre le réveil, et un long gémissement l’envahit comme un murmure. Elle allait se réveiller, et la journée allait commencer, implacablement. Elle devait commencer par un cri. Entre mes lèvres, j’aspirai son clitoris, doucement d’abord, plus fort quand je sentis sa main dans mes cheveux. Je la cueillis de mes doigts tendus et elle s’arqua à ma rencontre. Ballotée contre elle, je suivais les sons ténus, inaudibles de sa gorge emplissant la chambre jusqu’à éclore. Du haut de ses rêves elle tombait vers moi, et je la retenais, de mes doigts qui profondément l’assiégeaient, de ma langue qui s’activait contre elle à trouver le bon rythme, le rythme parfait. Je ne faisais pas l’amour, je faisais une musique de son corps offert, ouvert, avide par-dessus tout. Quand elle agrippa les draps, je sus que j’avais trouvé l’accord parfait, l’arpège magnifique, éblouissant, aveuglant.

Elle ouvrit les yeux sur moi, sur cette journée, et elle sourit. Sans un mot, elle se leva et après une douche rapide revêtit une de ses robes d’été légères dans lesquelles elle rayonnait.

– Tu es prête ?

L’évidence me sauta aux yeux. Bien sûr que j’étais prête. Plus encore, je le désirais avec autant d’ardeur que mes envies d’elle. Ce matin, j’avais aimé ma femme à la folie. Aujourd’hui, à quelques mètres de cet hôtel, dans cette clinique rose et blanche, la vie allait naitre dans son ventre. Quoi de plus naturel après tout…


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