La PMA what else ?

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Voilà, tu t’installes avec ta copine, ta femme, celle qui la nuit, le jour, devient, est, ton amie, ton amante. Les gens te demandent : « Alors pourquoi tu as quitté Paris pour la province ? », tu jauges alors la personne, en fonction de son âge, son niveau social, tu deviens une vraie adepte des théories de Bourdieu (de comptoir).

Tu dis : « pour l’amour ! ». Ça résume tout et il n’y a pas besoin de plus d’explications.
Parfois, les plus curieux insistent, et te demandent : «  et sinon IL fait quoi dans la vie ton copain ? ».

Il, Il, tu tournes le pronom, si étrange, si bizarre pour parler de celle que tu aimes. Tu te demandes comment ils font pour ne pas savoir, ne pas voir que ton quotidien c’est plus, c’est moins, c’est pas ce pronom. Et puis, c’est vrai ça, ils ne peuvent pas savoir.

Autour de ton verre de rosé que tu tapes en cadence, tu souffles, un, deux, trois, encore un coming out … : « alors… heu, ma copine fait-ci, fait-ça … ».

Souvent, j’ai de la chance, c’est un sourire, une excuse que je balaye rapidement lorsqu’elle est prononcée, parfois aussi c’est un malaise, et j’avale mon verre tout rond, puis je change de sujet et je m’éclipse. Voilà, c’est ça ton quotidien quand tu changes de région, de travail, de cercle d’amis : une succession constante de coming out plus ou moins contrôlés.

Maintenant qu’elle est là, dans ta vie, dans ton quotidien, c’est l’évidence. Vivre avec elle. Ça te parait normal, c’est normal, tu ne comprends juste pas que pour les autres ça ne le paraît pas.

À la CAF, t’es en vie maritale avec elle, c’est partout sur tes papiers, il y a son nom, son prénom et le tien au-dessus. Un couple ! Ton propriétaire est au courant maintenant. T’as un peu flippé qu’il soit un manif pour tous au départ. T’es toujours pas rassurée sur cette éventualité, mais de toute façon il doit faire avec.

Dans cette ville, hors de Paris, tu sens aussi plus de regards, t’as de la chance de bosser dans un milieu ouvert, où les gens s’en tapent, on te demande même quand tu vas l’épouser ta nana ! Mais c’est toujours la même chose, tu répètes à chaque tête nouvelle insistante, tu te rends comptes que tu deviens la déesse des ambiguïtés et des périphrases, et tu trembles un peu encore.

Et puis MERDE ! Tu finis par t’en foutre. Tu montres ta tête aux diners guindés de ta belle-famille, bras-dessus bras-dessous. T’es là, t’es bien, tu ne regardes même plus les yeux des gens qui t’entourent. T’es un couple. Sur ta boîte aux lettres tu conjugues tes noms de famille au sien. (ouais, toi, t’en as déjà deux). C’est joli, c’est très chic cette association. Tu sors, tu bois des coups, tu te moques de ta nouvelle passion pour le balai swiffer ou pour les petits plats de lasagne que tu lui prépares pour qu’elle déjeune au boulot.

Alors, le soir, dans un baiser un peu improvisé, tu ris avec elle, tu finis par parler d’un bébé. Un vrai, un qui pleure et qui aurait un prénom.

Le prénom t’es d’accord avec elle, t’imagines facilement que la place entre vos deux corps peut être prise par un petit souffle de vie. Mais comment faire, comment faire ?

Tes soeurs, tes belles-soeurs, elles font des bébés comme elles respirent. Toi, t’es là, tu retournes la question. Enceinte ? Ou pas ? Toi, moi ? L’adoption ?

Mais merde, faut déjà se marier, faudrait que je t’achète une bague, toute fine parce que tes doigts sont beaux, et je ne veux pas que tu sois trop bling-bling. Faudrait qu’on se marie pour qu’on envisage d’avoir un enfant, que tu puisses le porter, que moi je puisse l’adopter. C’est trop con. Je suis sur Facebook et Twitter les différents jugements, le tribunal de Versailles, celui de Cahors. Je ne te raconte pas.

J’ai trop honte : je t’avais dit que notre vie serait un clin d’oeil, que tout serait facile avec moi, si tu vivais avec moi, qu’après on aurait plus rien, plus besoin de se battre.

Je vais sur des blogs, je me renseigne. On ne peut pas la PMA, la PMA c’est cher, et toi et moi on n’a pas encore les moyens. On est jeunes, on est diplômées, on est adultes, on voudrait des enfants maintenant, pourquoi pas une grossesse adolescente tiens ! Mais nous on ne peut pas, on a pas le droit. Il faut attendre notre puissance financière, attendre notre exil maternel, attendre un jugement.

Dîtes, vous n’en avez pas assez de nous juger ?

Texte de Fanchon

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