Le sexe à distance – L’époque formidable

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Dans la newsletter de Noël, nous avons lancé un petit appât : « le Sexe à distance, dites nous ce que vous en pensez ». Et ça a mordu. Vite. Et fort. Le sujet est brûlant, semble-t-il. Alors pour commencer à en parler, nous laissons la parole à la première lectrice qui nous a répondu et nous a raconté une histoire. Son histoire. Poétique, brutale, terriblement bien (d)écrite.
Témoignage

Bonsoir,

J’ai reçu ta newsletter, d’habitude je les balance, je m’en balance des lettres d’infos, la tienne je l’ai lue.
J’ai lu en croix. Je lis très vite en croix ! Amen.
Et, j’ai lu : « le sexe à distance » . Bam ! dans la gueule. J’ai des relents des ans passés à me branler sur FaceTime… Ça laisse forcément des traces tous ces pixels.

L’histoire est hyper romantique, tu veux sûrement tout savoir : maintenant j’habite avec elle.

Au début, c’est l’histoire 2.0 d’un blog sous wordpress moche, d’un twitter encore super anglophone.

C’est l’histoire de deux pseudonymes de gamines qui se draguent, d’une photo d’avatar qui donne envie, de blagues et de « MP » aka Messages en Privé qui se transforment en mails, qui se transforment en appels, qui se transforment en rencontres, qui se transforme en baisers, qui se transforme en baises IRL, qui se transforme en amour.

Bon, je te fais le résumé rapide, sans les kilomètres, les lignes SNCF pourries qu’il faut emprunter pour pouvoir se pécho 5h la nuit dans un café nocturne rempli de mecs bourrés. Je t’épargne aussi les mythos à inventer pour obtenir le lit d’une cousine éloignée, un havre de paix dans un monde qui n’en connait pas !

Moi, ce dont je veux te parler c’est de corps blancs accompagnés de chuchotements qui se balancent en stéréo dans mes oreilles une bonne partie de la nuit, quand la maison dort, que nos parents n’entendent rien.

JE VEUX TE PARLER DU PLAISIR ! et avant cela, du désir qui pulse dans mes tempes, tant que je mords l’oreiller pour ne pas crier quand je la vois.
Parce que, tu le sais, ça tu ne le sais que trop bien, tout n’est que scopique, tu ne peux pas toucher. T’as bien des mains, mais c’est sur ton corps qu’elles n’en finissent plus de jouir.

Et puis y’a l’odeur, les souvenirs de l’odeur qui te foutent les boulent quand t’y penses. Ton cerveau te joues des tours, au détour d’un flash lumineux t’y crois vraiment : elle est là !
Elle respire, c’est son souffle saccadé dans les écouteurs du iPhone que tu serres dans tes canines brisées.

Brisée. Parfois l’image se casse, c’est la vie loin des villes qui fait ça. Alors tu trouves des parades, t’envoies des sms, des mms, des mails, des vidéos, tu crées un hashtag spécial pour elle au détour des tweets que tu postes. Tu documentes ta vie comme une enragée. T’es une enragée, une frustrée qui oublie parfois même comment embrasser.

T’as l’impression de vivre dans ton iPhone, t’es jamais dans le présent, tu fais l’amour comme t’écris.

C’est poétique dit comme ça, mais ça devient très vite lassant.

On se construit un couple dans le désir, le vide, le manque, le demi-dévoilé des sous-vêtements qui érotisent en contraste blanc sur noir, ta peau et tes seins. C’est l’Art du regard qui parle, et des mots.
La sonnerie du facetime, le rendez-vous du soir : une habitude. On est presque mieux derrière un écran. On dirait qu’on fait semblant. C’est l’amour de l’époque formidable.

Aujourd’hui, t’es au présent, une vraie chaleur, un truc vivant. T’es plus un pixel ambivalent, un mac que je pose sur le rebord de la baignoire, une mise en scène théâtrale de ma vie.
Maintenant, faut se créer un équilibre, réinventer le réel. Nous les pixels, on sait déjà y faire.
Les kilomètres, même pas peur, le sexe s’éprouve beaucoup en imaginaire, on a un monde à nous, un lien spécial technologique qui nous appartient aux parois extensibles et douces… je te caresse la main si je tape ici le clavier.

T’es partout avec moi. iPhone, Caméra, macbook.

Au final, le tout raisonne à tes consonnes, et fonctionne à l’électricité de nos corps. Et, je me dis, bordel heureusement qu’on savait y faire ! heureusement qu’on avait l’âme à jouer, à dessiner nos fantasmes, à les vivre.
Et surtout, heureusement qu’on fonctionne sans fils à présent !

-F-

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