Ma fille est amoureuse

Microbe a 7 ans. Et il y a un mois, elle m’a annoncé qu’elle était amoureuse. D’un garçon, a-t-elle précisé (« mon Dieu, mais qu’est-ce qu’on a raté ???!!! » 😉 ). Elle a rajouté qu’il s’appelait Lucas, qu’il était gentil et que c’était pour lui que je m’endettais depuis 15 jours à acheter des petits gâteaux peau-du-bas-du-dos à Leclerc, parce que ma fille a très vite compris que la gente masculine réfléchissait d’abord avec son estomac. (Pas taper ! c’est pas moi qui le dis, c’est ma mère)

Super.
Génial.
C’est parti pour :
• le grand huit des émotions
• les autos tamponneuses avec maman
• et les devoirs et « corvées » dans le toboggan…
Entrez, entrez, la séance va commencer !

Tout a commencé un lundi à 16h30 en rentrant de l’école. J’ai posé la question rituelle : « Ça a été à l’école ? » habituellement suivie d’une réponse de 8min30 sous la forme d’une tirade du style « et bah la maîtresse elle a dit que […] et dans la cour on a […] ainsi d’après Darwin on peut suggérer que [….] sur les routes de l’ouest de l’Ouzbekistan. » En général mon audition sélective (super pouvoir de Perfect Mom) me permet de faire le tri et de capter les infos essentielles du style « Camille m’a poussée j’l’aime pas » et « À la cantine j’ai mangé des épinards trop bons pas comme les tiens ».

Mais ce jour-là, le prénom de Lucas est revenu 17 fois dans une seule phrase. Bon, j’ai l’intuition maternelle d’une cuillère de petits pois, mais là quand même c’était suspect.
S’en sont suivis 4 ou 5 jours de correspondance enflammée (je n’ai plus une seule enveloppe dans tout l’appartement), avec dessins de petits cœurs tout roses et de subtils A + L = [cœur]. Je fus réquisitionnée pour scotcher les enveloppes, découper les cœurs, donner les feuilles-feutres-colles etc…(« vas-y fais pas ta crevarde ! »). Point positif : Microbe allait à l’école en courant. Point négatif : je pouvais désormais me brosser Martine pour un petit coup de main : « Microbe, viens m’aider à mettre la table »
– J’peux paaaassss !!!! J’écris à Lucaaaaas!!!!!!

En bonne mère indigne, j’ai allègrement profité de la situation, plaçant Lucas en caution morale dès que l’occasion se présentait : « Je t’ai fait des petits pois, Lucas adore ça », « non tu ne mets pas ces sandales alors qu’il fait -12°C, de toute façon Lucas m’a dit qu’il préférait tes bottes » « Lucas, lui, il aide sa maman à ranger le linge » etc…
Le drame survint un jeudi, à 16h30. « Ça a été l’école ? » Silence assourdissant. Grands yeux tout mouillés, lèvre qui tremble, l’air de quelqu’un qui a vu son chien tenter le coup de boule à un semi-remorque. « Et bah Lucas, il a donné la main à Julie dans la cour, JE L’AIME PLUS ! »
1er réflexe : Purée, il est où ce petit gougnafier qui a trompé ma fille que je lui dise bonjour à grands coups de pelle ? Et cette Julie, je vais lui faire bouffer ces sandales Barbie à cette espèce de petite traîtresse !

Bon.
Du calme.
Microbe a 7 ans, laissons les effusions de sang pour dans une dizaine d’années quand elle essaiera de me ramener à la maison un punk à chien qui n’aura pas vu une baignoire depuis juin 2006.
La soirée m’a donné l’occasion de constater que Disney avait bien investi le corps de ma fille : longs soupirs à la fenêtre, demaiiiinnnnn mon prince viendraaaaaaa etc… 1er chagrin d’amour. Me retombent sur le coin de la gueule tous mes stratagèmes de la semaine : « non pas de petits pois c’est ce qu’aime Lucaaaassss !!! » Fuck…

Le lendemain, 16h30, je repère le nom de Juliette sur les porte-manteaux. Complètement par hasard, c’est évident. Et je vois débouler Microbe, grand sourire de fille comblée et étoiles qui dégoulinent des yeux. « Ça a été l’école ? »
– et bah la maîtresse elle a dit que […] ANTOINE il m’a dit que j’avais un beau T shirt […] et dans la cour on a […] et ANTOINE il m’a prêté son vélo […] ainsi d’après Darwin on peut suggérer que [….] sur les routes de l’ouest de l’Uzbekistan […] et bah ANTOINE je l’aimeeeeuuuhhhh. 
WTF ?
Déjà ?
Elle l’avait gardé sous le coude au cas où celui-là ou quoi ?

Super.
Génial.
C’est reparti pour :
• le grand huit des émotions
• les autos tamponneuses avec maman
• et les devoirs et « corvées » dans le toboggan…
Entrez, entrez, la séance va REcommencer !

Image by Yuri

merci à N. de Buron pour sa fantastique métaphore !