Le Drag King, c’est quoi exactement ? Un outil d’auto-émancipation.  Un moyen de prendre conscience du fait que les genres et les stéréotypes qui leur sont attachés sont de pures constructions sociales. Pourquoi ? Pour la simple et bonne raison qu’être un King, c’est repenser son corps, ses attitudes, le moindre de ses gestes. On pourrait penser que le Drag King n’est qu’un déguisement, et évidemment la dimension ludique est bien présente, mais « se kinger » c’est également réfléchir aux genres sociaux, à ce qui fait l’homme social, à ce qui fait la femme sociale. A ces petits riens qu’on nous impose et qui construisent l’image que la société projette sur nous, et que l’on adopte, souvent inconsciemment. Le Drag King est une expérience féministe concrète, un moyen de se réapproprier un ensemble de choses qui parfois nous échappent. C’est aussi affirmer que rien n’est inné. Rien que ça. 

Il est intéressant de voir que les femmes qui font du Drag King incarnent différentes masculinités. Notre King est ce que l’on veut qu’il soit. Certaines ont plus de facilité à s’inventer un King queer, plus fluide. J’aime dire que mon King est un peu connard, qu’il soit rock’n’roll ou bad guy, finalement, c’est toujours une image du salaud. Mais puisque le King est une expérience concrète, j’ai décidé de vous embarquer avec moi à la rencontre de Juan, mon King à moi.  Ce n’est que mon King et ma propre expérience, que je dois aux ateliers animés par Louis(e) de Ville et Isabelle Sentis et à l’excellent documentaire de Chriss Lag, Parole de King !

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L’affiche du film Parole de King ! de Chriss Lag

Les trois B

12476292_10153263911402401_761738510_nPremière étape le Binder ou l’épineux problème de la poitrine. Pour ma part, j’aime bien commencer par cette étape-là, car elle me permet d’être directement dans le « rôle ». J’ai la chance de n’avoir pas une trop opulente poitrine, mais le secret est de comprimer les seins vers l’extérieur du torse. La première fois que j’ai utilisé un binder, j’ai senti un incroyable gain de confiance en moi. Je ne me l’explique pas tout à fait, sinon peut-être que d’avoir comprimé ma poitrine me permet de me tenir plus droite, ça me force à adopter une attitude plus fière, plus assurée, peut-être même plus assumée. Je me redresse, et le miracle du King opère déjà un peu. Pour ma part, j’utilise de banales bandes médicales, mais une ceinture de maintien lombaire fera également très bien l’affaire – et devrait moins bouger si d’aventure vous sortez votre King dans de folles nuits agitées. Vous pouvez également investir dans un vrai binder.

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Deuxième étape : la Bite.
Là encore, à chacun.e sa technique. Je préfère utiliser une capote que je remplis de coton. Et, encore une fois, je serais bien incapable d’expliquer exactement pourquoi. Peut-être parce que mes pantalons de King sont un peu trop larges et qu’avec cette technique je peux arborer mon membre viril fièrement. On peut également utiliser un mi-bas couleur chair, le rendu est incroyable visuellement, mais comme mon King est pudique, il garde son paquet au chaud dans son jean.

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Ensuite vient la Barbe. Moi, je me préfère avec une petite moustache que je dessine au mascara. Ou pour reprendre l’expression de Louis(e) de Ville, au maNscara. J’adore l’idée d’utiliser un accessoire généralement associé à la mise en beauté des femmes pour me travestir, quelque chose de mon quotidien de femme sociale que je détourne de son usage pour faire naître mon alter-ego masculin.
Certain.e.s utilisent des éponges  et du maquillage noir pour se dessiner une barbe de trois jours, et pour une vraie barbe de biker, rien ne vaut les postiches.

J’utilise également le maNscara pour me dessiner des pattes plus fournie au niveau des oreilles et pour redessiner mes sourcils. Je dois avoir également recours au crayon marron pour casser l’arc trop féminin que j’ai mis de longues années à épiler soigneusement, et je brosse mes sourcils à rebrousse-poil pour les ébouriffer davantage.

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Un peu de théâtre…

Le reste, c’est du détail et un peu de théâtre. Niveau fringues, je pique dans les penderies de mes frères, ou je fais un tour chez Emmaüs. Depuis mon premier atelier King lorsque je vois un t-shirt ou un jean unisexe qui me plaît, j’ai tendance à le mettre de côté, en prévision de la prochaine venue en ville de mon King.

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Ensuite vient le moment de travailler le personnage, pour construire son King, il faut inventer son histoire, savoir qui il est, qui on veut incarner, et enfin parfaire l’attitude. Et c’est peut-être ça le plus important. Gommer tous ces gestes que de longues années à être une fille puis une femme sociale ont construits. Cesser de croiser les jambes lorsque l’on s’assied, avoir le regard fier, ne pas succomber aux sourires à tout va, à la douceur et à la gentillesse que l’on nous inculque. Être un King c’est aussi pouvoir faire la gueule, et ça n’a pas de prix. C’est également travailler son rapport aux autres, à l’espace, aux objets. Comment saisir une bière quand on singe la masculinité à outrance ? Comment se comporter en bande de Kings ? Comment dire bonjour ? Ecarter les jambes, s’ancrer dans l’espace, lever la tête. C’est peut-être sur cette question de la réappropriation de l’espace public que l’expérience du drag king est la plus marquante.

Je n’avais jamais incarner d’homme avant mon premier atelier drag king mais ça a été une expérience détonante. Toutes les idées féministes que je défendais déjà ont pris une dimension concrète, elles se sont ancrées dans mon corps. Je me suis sentie plus libre d’être la femme que je veux, comme je veux et si je veux, en réalisant, dans ma chair, à quel point tout ça n’était que constructions et jeux de rôle.

Louis(e) de Ville sur Facebook et sur Internet 

Parole de King ! de Chriss Lag sur Internet 

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