[Le sexisme se cache dans les details] Et les boutons, on en parle ?

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Les boutons on en parle?

Je devrais être en train de préparer mes cours, mais je m’interromps pour vous parler d’un sujet qui me tient à cœur. Parce qu’on parle beaucoup des règles en ce moment. Du fait que les règles, en réalité, c’est pas dégueulasse, on nous parle de flux instinctif, de coupe menstruel ou de taches pas si honteuses que ça, et je valide à cent pour cent, de la taxe tampon, que je ne valide pas du tout au contraire (20% !) mais les boutons, on ne parle pas des boutons.

Personnellement, j’ai plus de boutons en approchant la trentaine que je n’en avais l’année de mes premières règles. Il faut dire que mes premières règles ont été les seules pendant très longtemps, jusqu’à ce qu’une gynéco inspirée me prescrive la pilule. Récemment, ma nouvelle gynéco, à qui j’ai dit, non sans gêne, qu’en tant que lesbienne, je trouvais ça stupide d’être sous pilule depuis mes quatorze ans, m’a gentiment expliqué que ce n’était pas du tout obligatoire. Souffrir d’un syndrome des ovaires polykystiques, joliment renommé syndrome OPK par les médecins, c’est pas la mort du petit cheval. Et newsflash ! Avoir ses règles, ce n’est pas obligatoire. Et ne pas les avoir, ça arrive, c’est comme ça. Rien de grave. J’allais écrire rien d’anormal. Mais la norme, vous saurez vite, ce que j’en pense…
Certes, je ne sais jamais quand je vais avoir mes règles, mais depuis que l’on m’a expliqué qu’il n’y avait rien de grave dans le fait que l’écho de mes ovaires ressemble à une photographie de la surface de la lune, je me sens drôlement mieux dans mon corps. Et miracle ! j’ai mes règles de temps en temps, sans pilule. Certes, je suis incapable de planifier, et si je ne fais pas attention à mon degré d’irritabilité ou ma fatigue extrême, je ne peux pas du tout dire quand je vais avoir mes règles. Attention, loin de moi l’idée de dire que l’on soit particulièrement irritable ou fatigué.e à cause des règles, hein ! C’est juste que chez moi, le syndrôme pré-menstruel, mon doux ami PMS, dure à peu près un mois, je le sens passer quoi. Bref, je passe des mois à attendre mes règles, et parfois, elles arrivent. Et je suis probablement une des rares personnes vraiment heureuses d’avoir ses règles, ne serait-ce que trois ou quatre fois dans l’année.

Par contre, j’ai des boutons, plein de petits boutons sur les joues qui me donnent l’air d’avoir seize ans. Même qu’au ciné la dernière fois, le guichetier m’a demandé si j’avais un tarif étudiant. Je n’y peux rien, c’est comme ça. Ce qui m’a frappée, c’est qu’alors qu’une esthéticienne me maquillait pour un mariage, elle a fait une grimace un peu désespérée en disant : « Tu sais, ça, je pourrais pas le camoufler ». Elle parlait de ces petits boutons qui surgissent inopinément et annoncent avec fracas l’arrivée de mes règles. Comme mes seins douloureux et gonflés, mais ça, ça se voit moins.

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Alors, j’ai bien essayé de ne pas en faire un nouveau complexe, puisque j’en ai déjà suffisamment, (et là aussi, soyez rassuré.e.s, je lutte, je lutte !) mais je me rends compte que si, c’est bien un complexe. C’est drôle d’ailleurs, parce que c’est la première question que m’a posée ma super gygy avant de livrer son diagnostic : « Vous avez de petits boutons, là, sur les joues, à certaines périodes du mois, non ? ». Bingo ! Donc, rien que de plus normal. Mais sacré complexe quand même, à presque trente ans. Pourquoi toutes les nanas partout ont des peaux sublimes, tout le temps ? Pourquoi est-ce qu’on nous met sous pilule pour régler tous les problèmes ni vu ni connu mais qu’on ne nous prévient pas que la peau dégueu quinze jours avant tes règles d’une semaine, ça peut faire partie du package ?

Parler des règles, ce n’est pas seulement parler de sang, de tampons, de serviettes hygièniques ou de flux instinctif, ce n’est pas seulement réagir aux photos de marathoniennes ou de taches sur Instagram, ce n’est pas lutter contre une fiscalité discriminante, c’est tout ça, ensemble, et c’est aussi envisager l’ensemble des problèmes auxquels nous sommes confronté.e.s, juste parce qu’on a un utérus et un paquet d’hormones qui font le yoyo parfois. Et pour moi, penser à mes règles, c’est d’abord penser à mes petits boutons sur les joues. Alors, les boutons, on en parle ?

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Leslie s'intéresse autant au cerveau des filles qu'à leurs vagins, et, parfois, entre deux mêlées, elle parle aussi de leurs poils et de leurs règles. @lpreel