Juste un verre

0

C‘est mon troisième verre et V n’est toujours pas là. Pourquoi est-ce que ça ne m’étonne pas ? Je viens de recevoir un énième texto m’assurant que « oui oui j’arrive tout de suite, je suis presque au métro ! » Et ma crédulité, elle est dans le métro aussi ? Alors c’est mon troisième verre et je commence légèrement à avoir la tête qui tourne.

V doit me parler de cette fille qu’elle a rencontrée l’autre jour, et avec qui ça semble bien parti. Mais pour qu’elle m’en parle il faudrait déjà qu’elle soit là. Un nouveau coup d’œil à mon téléphone m’apprend que je peux d’ores et déjà commander un quatrième verre.

Autour de moi le bar commence à se remplir : c’est l’heure pour de nombreuses femmes de venir chasser au point d’eau. D’ailleurs en ce moment même j’ai l’impression d’être une frêle gazelle guettée par deux lionnes affamées. Enfin vu leur tête ça serait plutôt des phacochères ! Je ricane mais je me trouve un peu méchante. Je vais mettre ça sur le compte de l’alcool.

Une forme se glisse sur la chaise à côté de moi, et mon venin s’échappe :

– Ah enfin c’est pas trop tôt ! Merde quoi ! J’t’adore mais tu crois que ça m’amuse d’attendre toute seule comme une conne que tu daignes ramener ton cul à l’heure ?
– Ah alors tu m’attendais ?

La voix, les cheveux, les mains, le sourire… rien de tout cela n’appartient à V. Conclusion : ce n’est pas V. Mon air interloqué fait rire mon interlocutrice. Un rire doux, des yeux un brin moqueur… j’en suis sûre : on me drague ! Réflexe de posture défensive : au fond de ma chaise, les bras croisés, les yeux à demi fermés et j’attends.

La serveuse s’approche de nous et nous demande si nous allons boire autre chose. Alors que je m’apprêtais à lui demander de l’aide pour chasser la jeune femme, celle-ci lui montre mon verre et lui fait le signe « deux » avec les doigts. Fourbe, très fourbe.

Je me détends un peu, réconciliée avec l’idée de me faire draguer.

Après tout, un verre, c’est toujours bon non ?

Et puis cette jeune personne est peut-être très sympathique en plus d’être mignonne. Dernière bonne raison : l’attente me paraitra moins longue ! D’ailleurs je n’ai toujours pas de nouvelle et je crois…

– Il est moisi ce bar non ? Tu veux pas qu’on aille boire un verre chez moi ? J’ai de la bonne musique !

Cette phrase en apparence anodine a été prononcée d’une manière enjouée et détachée, mais le doute s’insinue dans mon esprit : passerait-elle à l’étape 2 si rapidement ? De toute façon, si je ne suis pas d’accord, il ne se passera rien ! Et elle a peut-être de la vraiment bonne musique chez elle !

***

Son appartement est sobre mais classe. Les lumières sont tamisées et une musique douce me berce tandis que je me vautre avec délectation dans un canapé d’un moelleux divin. Y a pas à dire, cette fille sait draguer ! Pour un peu je baisserais presque ma garde ! Mais… je me ressaisie en avalant une nouvelle gorgée de vin blanc. Elle a retiré sa chemise et je peux apercevoir sa peau caramel et ses tatouages dépassant de son débardeur blanc. Un classique ! Cette fille est un cliché à elle toute seule ! Mais un fameux cliché, il faut bien l’avouer. Je la détaille du coin de l’œil en ricanant doucement.

Je ne sais pas si V est enfin arrivée à notre rendez-vous mais elle serait complètement estomaquée de me voir chez une inconnue à me faire reluquer comme un morceau de viande. Nouveau gloussement. Mon hôtesse se coule délicatement à mon côté et balade négligemment son bras contre mon épaule. Une question me taraude tout de même :

– Et… c’est quoi ton prénom ?
Elle rit.
– Tu veux connaître mon pedigree c’est ça ?
Je ris.
– Bon très bien… alors je m’appelle T, j’ai 31 ans et je travaille chez EDF. Ça va ça ?
J’acquiesce en souriant et lui tend mon verre de vin pour qu’elle le remplisse à nouveau. Mais une deuxième question me taraude :
– Tu me demandes pas à moi ?
Elle ne rit plus.
– Non.
Et son visage se penche vers moi pour m’embrasser.

Je suis contre ! Je suis totalement contre ! Je savais qu’elle me draguait mais je ne comptais pas tomber dans le piège ! Je suis vraiment en colère qu’elle m’embrasse comme ça ! Qu’elle ose passer sensuellement sa langue sur mes lèvres ! Qu’elle caresse mon corps avec douceur et qu’elle effleure ma poitrine du bout des doigts…

[…]

Effectivement, ma situation pourrait être bien pire. Et puis je me dis que c’est une fois… ça ne se reproduira pas ! Ça fait toujours du bien de se faire traiter comme une reine, et je ne la reverrai sûrement jamais… De toute façon mon corps est complètement en feu et si elle ne me prend pas comme une sauvage contre le mur dans la demi -seconde, je lui arrache ses vêtements avec les dents !!

***

Le jour filtre par les volets fermés et je vois la jeune femme bouger dans son sommeil, elle me prend dans ses bras et me murmure que tant que le soleil n’est pas de nouveau couché on peut continuer à s’amuser un peu. Les deux partis étant d’accord, le plaisir en est décuplé !

Bvrrrr bvrrrr bvrrrr…

Mon téléphone vibre dans la poche de mon pantalon. Je l’attrape et le porte à mon oreille.

– Hey ! C’est V ! Je suis désolée pour hier soir ! Quand je suis arrivée au bar tu avais disparu, mais bon je t’en veux pas, je suis arrivée un tout petit peu en retard !

La connasse ! Heureusement que c’est ma meilleure amie, autrement j’aurais raccroché tout de suite. La jeune femme près de moi se love contre mon corps et je commence machinalement à la caresser. Je pourrais presque l’entendre ronronner, ce qui m’arrache un léger rire.

– Pourquoi tu ris ? Tu fais quoi ?
– Heu… rien rien, je me réveille là !
– Ah ouais ok… Bon j’ai toujours pas eu le temps de te parler de ma copine avec tout ça ! Mais il faut absolument que tu la vois ! Elle est trop géniale ! Franchement je crois que ça pourrait être la bonne si tu vois ce que je veux dire ! Alors que je te dise : elle s’appelle T, elle a 31 ans et elle travaille chez EDF !
Dans mes bras, le joli corps caramel s’agite pour avoir des caresses.
– Allô ? T’es là ? Tu la connais ?

– Si je la connais ? Ah non… jamais entendu parler !

LAISSER UN COMMENTAIRE